JAPON

Baby Blues Baby Dolls

Source : reportage France 5
Diffusion : Mars/Avril 2004
Film de cécile DENJEAN
Retranscription : kisa kun

 

De moins en moins d'enfants naissent au Japon. La 'grève des ventres' fait la Une des journaux et se traduit par un chiffre inquiètant. Un taux de fécondité en chute libre et parmi les plus bas de la planète. Dans l'empire de la réussite économique, de l'abondance et du confort technologique, donner la vie n'est plus une évidence mais un choix que beaucoup de femmes redoutent. Comment vivent-elles, ses femmes qui hésitent à enfanter ? Que se passe t-il entre hommes et femmes pour que s'étiole le désir de se perpétrer ? J'ai eu envie de comprendre comment une société toute entière, moderne, sophistiquée peut dire : a quoi bon transmettre la vie ?

Sakoto est productrice de feuilletons télévisés ; elle est resopnsable d'une équipe de 150 personnes à TV Asaï.
- " ce que je veux c'est encore plus de responsabilités et j'ai le sentiment que si j'avais un enfant, il faudrait que je l'élève et il me volerait tout çà. Mon travail de productrice est un travail créatif et je voudrais avoir plus de chance, développer ma créativité, continuer à produire des feuilletons ou des séries TV avec des équipes comme celle-ci. [ la jeune femme est interviewer alors que se déroule le tournage d'une série! nous voyons en arrière plan une équipe très dynamique ].
Ce que je demande est très simple mais implique de ne pas avoir d'enfants. Et je ne veux pas perdre tout çà. Cette manière de parler peut paraître égoïste mais les femmes ont de plus en plus la chance de travailler et peut-être que de plus en plus de femmes on t envie de s'occuper d'elles-mêmes. "

Voix off : Au Japon, l'égalité légale entre hommes et femmes date depuis 1986. Travailler ou non, aimer, se marier, enfanter ou non, celà ne fait pas très longtemps que les femmes ont le choix.

Nous retrouvons de nouveau Sakamoto qui va assister au visonnage d'un téléfilm que son équipe a produite. Elle nous présente ses collègues ainsi que la salle de visionnage. Elle nous apprends que c'est la première fois qu'elle a travaillé avec cette équipe et que donc elle se sent un peu nerveuse. Un producteur de série très célèbre au Japon lui dit alors qu'elle sera parfaite. Ce à quoi répond Sakamoto : " je vais donner le meilleur de moi-même !! "

Sakamoto : " il m'arrive de projeter ma propre vie dans les feuilletons ue je produits. Comme je passe tout mon temps à travailler, je transfère sur l'héroïne mes désirs de grandes histoires d'amour. Ils seraient capables de me faire oublier mon travail !! Je n'ai pas le temps de penser à l'avenir ; je ne peux pnser qu'à l'avenir le plus proche, c'est-à-dire demain. Dès que je me lève, je cours à mes réunions, je me précipite au travail et je reconnais que çà constitue peut-être une hatitude passive par rapport au fait de faire un enfant. Moi, je suis comme tous les autres à Tokyo ; ici personne ne planifie sa vie en ayant une vision globale sur le long terme. Depuis que la crise à éclater on ne fait que penser au lendemain, et aujourd'hui on vit dans un monde qui ne croit plus en l'avenir. "

Alors que le Japon doute de son avenir, il cultive les images d'un raffinement ancien, où des femmes aux visages impassibles représentent la quintessence (1) de la féminité. [ dans le reportage, nous pouvons voir une jeune femme exècuter un danse traditionnelle ] Aujourd'hui les Geisha de Gion sont les dernières gardiennes de cette vision d'une féminité douce et soumise. Makoto (34 ans) est l'une des Geisha les plus demandées du quartier des plaisirs de Kyoto.

Makoto : " Pour moi, la vie de Geisha est plus importante que le mariage. Je suis consciente que celà vient peut-être du fait que je cours trop après la perfection. Mais aucune de mes histoires d'amour n'est jamais arrivée au stade où je pense au mariage. Comme je mets toujours la priorité sur ce que je veux faire, ça finit toujours par une séparation.
Pour ce qui est de l'amour, je crois que je suis vraiment égoïste. L'amour c'est ce que je place en dernière position. Je crois que je ne parviendrais jamais à me livrer complètement à mon partenaire.
C'est en regardant mes parentsque je me suis dit que je ne voulais pas me marier. Ils s'entendent très bien tous les 2, mais ma mère disait parfois : ' ton père ceci ; j'ai enduré celà ' . Et c'est vrai que d'avoir entendu ça en permanence, ça ne m'a pas donné envie de franchir le pas. J'entendai toujours ma mère répéter qu'elle aurait aimer faire d'autres choses et j'ai grandi en me disant : "Moi, je le ferais !"

Les Geisha incarnent la femme parfaite. Une femme qui n'est ni épouse, ni amante, ni mère. Les femmes d'aujourd'hui ont été gâtées par leurs parents et on fait les mêmes études que les garçons de leur âge. Elles accèdent petit à petit aux mêmes emploi que les hommes. C'est lorsqu'elles ont leur premier enfant ques les schèmas traditionnels reviennent et que la parité s'écroule.

Yumi, 47 ans, biologiste divorcée, mère de 2 enfants.
- " ce qui m'est resté en travers de la gorge, c'est que je pensais qu'une femme qui avait donné naissance à un bébé, pouvait reprendre son travail après. Mais en réalité lorsque je suis retournée dans ma société, mon chef de service m'a dit qu'il n'y avait plus de bureau pour moi. Je n'avais pas compris ce qu'il avait voulu dire, que je pouvais travailler sans bureau. Mais il m'a dit qu'il ne s'agissait pas de çà. Je n'avais plus de travail. De toutes les choses que j'ai enduré dans ma vie, c'est ce qui m'a le plus révolté.
Pourquoi j'ai divorcé ? Mon mari ne prenait aucune part de responsabilité envers les enfants. Il n'était pas en phase avec la réalité. Comme on vit dans le réel. 'il m'avait regardé en face, il m'aurait vu tel que je suis vraiment. Mais il ne me voyait que dans mon rôle d'épouse. Avec le temps, on ne se comprenait plus vraiment. Il était devenu un obstacle dans ce je faisais pour vivre bien. J'ai compris que je n'avais plus besoin de lui.
Le Japon a la particularité d'être une Société Féodale ; ce qui veut dire qu'on doit être tous ensemble, et bien s'entendre avec les autres. On n'a pas besoin des individus, chacun doit faire en fonction des autres. Je pense que c'est la peur de se retrouver isolé qui empèche les gens d'agir. "


Junko a eu peur de vieillir seule. Elle a sélectionner son époux parmi 50 candidats. En 2 ans, 1 mari et 1 enfant ont boulversé sa vie de jeune femme indépendante.

Junko, 41 ans, mère au foyer, mariée 1 enfant :
- " je faisais un travail où les heures supplémentaires étaient très fréquentes. Je rentrais chez moi vers 23h00 ou minuit. Et rentrer à cette heure là, et ensuite faire les repas et m'occuper de mon mari, c'était totalement infaisable. Alors j'ai démissionné.
Les 6 premiers mois après la naissance d ema fille, je n'ai pas pu dormir une seule fois allongée dans un futon. C'était très ur. Dans la journée je n'avais personne à qui parler, nous étions toujours en tête à tête dans cette pièce, et j'avais l'impression que nous vivions toutes les 2 dans un autre monde. Je voulais absolument que ma fille cesse de pleurer mais elle n'arrêtait pas. A ces moments là je me disais : "je n'ai qu'à la jeter par terre ou lui mettre une serviette dans la bouche". J'ai réellement eu envie de ce type de chose plusieurs fois. J'avais l'angoisse de tuer mon propre enfant. Je vivais constamment dans cette angoisse. Je n'étais plus normale. Et le soir quand mon mari rentrait, je me disais : " ouf encore une journée de passé. tu n'as pas tué ton enfant, heureusement". Et j'étais soulagée.
Un jour, j'avais l'enfant dans les bras, j'en ai eu tellement assez que j'ai jeté le bébé sur le futon, en disant : " je ne veux plus d'un enfant comme celui-ci, je n'en ai plus besoin". Je savais ce que les gens auraient pensé, donc je n'en ai pas parlé, pas même à mon mari, je n'ai réussi à en parler. J'ai du tout garder en moi et c'était pire".
Il faut être une bonne mère, c'est ce que l'on exige de nous. Donc si on ait pas une bonne mère ou si l'on sort de ce cadre prédéfini, on est éliminé en tant que mère. Et on nous colle cette image sur le dos. Voilà en gros l'ambiance générale. On a peur.
Je suis mariée donc je suis une épouse. Et j'ai un enfant donc je suis aussi une mère. Mais il n'existe pas d'endroit où je ne suis ni épouse ni mère. Mais juste moi. Moi AKUZU Junko. En tant que personne avec mon identité propre. Et c'est vraiment ce qu'il y a de plus difficile.
Un espace où je serais ni épouse ni mère, où j'exercerais une activité qui serait évaluée, où j'aurais une valeur. C'est de cet espace dont j'ai le plus besoin.

Toshie, 85 ans, 7 enfants, rescapée des bombardements de 1945.
- " Moi, j'ai été heureuse d'être mère. J'ai perdu 2 enfants dans la guerre. Mais après la guerre, je me suis remariée et j'en ai eu 5. Et j'en suis très heureuse. Nous, on a été victime de la guerre, surtout à Okinawa. Les chiffres disaient qu'une personne sur 4 étaient mortes. Dans le chaos de l'après-guerre, pour augmenter la population, il y a eu une politique natalistedont le slogan était : " accouchez, multipliez-vous". On a été obligé de suivre cette politique. Mais maintenant il y a une baisse de la natalité. Les femmes ne veulent plus avoir d'enfant. Je crois que ça va être la fin de notre société.

Si la tendance démographique n'évolue pas, il n'y aura plus de japonais sur terre dans 200 ans.

Toshie : je crois que c'est un inconvénient de la richesse. Aujourd'hui, grâce à la prospérité, il y a une profusion de chose. Comme il n'ont plus besoin de rien, il ne prennent plus la vie à bras le corps. A mes yeux, les Hommes manquent vraiment du désir de vivre.

 

à suivre ...

 

 

Mots clés :

(1) quintessence : ce qu'il y a de meilleur